Pour la glande
Hier soir au matin j’ai craché sur mes idées noires
Profitant du meilleur moment, trop bien lové dans mon plumard
J’éteins mon réveil avant de m’enrubanner d’espoir
Aujourd’hui je n’irai pas au taf, ruiner ma vie comme un connard
Capricieux comme une pouf qui aurait ses règles à Ikea
Nostalgique comme un vieux débile paumé tout seul à Disneyland
Vicieux comme un beau gosse, bouquet de fleurs fushias dans les bras
Fanatique je donnerais facile, au ciel ma vie pour la glande
Je panique en délire pas plus tard qu’un quart d’heure plus tard
Frénétique je calcule en vain dix mille excuses à mon retard
J’envisage un instant deux, trois pas crédibles histoires
Que j’abandonne heureusement pour imiter le cri du loir
Demain sera mien car je truciderai mon cafard
Le majeur tendu vers le ciel, bienheureux comme un gyrophare
Je ne boufferai que des pâtes pour dégueuler du caviar
Et si les huissiers déboulent je peux toujours me cacher dans le placard
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Milliardaires
Quand on sera milliardaires
On nouera du bout des doigts
Les étoffes les plus chères
Autour de nos gras cous d’oies
Levons nos mentons fiers
Et gueulons nous sommes les rois
Naviguant téméraires
Sur nos coques en or de noix
Oui mais toi
Tu dis que tu n’y crois pas
Et t’ajoutes
Que t’en as rien à foutre
Que le bonheur
N’est pas dans la monnaie
Mais ailleurs
Caché dans chaque journée
Quand on sera milliardaires
On grignotera sans les doigts
L’auriculaire en l’air
Salissant des nappes en soie
Traverserons les mers
Pour s’envelopper de gras
Et bientôt l’univers
Ne sera là que pour moi
Quand on sera milliardaires
On dansera nus sur les toits
On habitera la Terre
De St Barth à Nouméa
Et l’histoire à l’envers
Ne m’intéresse pas
Arrimons la galère
Et marchons sur les lois
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Le cadeau
Offre-moi des pierres aux mille couleurs
Offre-moi des fleurs couleur de lumière
Offre-moi les deux pour me sentir belle
Offre-moi tes ailes pour vieillir à deux
Oui dit-elle, j’en demande trop
Où peut-elle me cacher ses défauts ?
Moi je ne suis pas si grand
Ni prince et jamais charmant
Je bricole des plaisirs
Pour acheter son sourire
Non dit-il, je n’en fais jamais trop
Il faut bien camoufler mes défauts
Toi tu es tellement puissant
Que mon petit cœur est brûlant
Je dégouline de plaisir
Soumise à ton beau sourire
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Pour Noël
Pourquoi ne donne-t-elle pas de nouvelles ?
A-t-elle besoin d’une brouette de roubles ?
Est-elle bien heureuse au soleil ?
Ou a-t-elle avec moi les yeux troubles ?
Ma petite fille partie si loin
Écris-moi vite que tu vas bien
Je t’ai vue rétrécir à l’horizon
Je t’ai même fais croire que t’avais raison
Seras-tu près de nous pour Noël ?
Je t’attends, je suis déjà prête
Et pense à remercier le ciel
Quand tu traverseras la planète
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Barbus chevelus
Situation désespérée pour une génération blasée
Les chemises à fleurs ont fané puis les uniformes ont poussé
Sur les épaules fragilisées de nos enfants désorientés
Et c’est dans nos miroirs glacés que leurs regards vont s’enflammer
Mais où est passée l’utopie
Celle des barbus qui semblent avoir changé d’idée ?
Mais où est passée l’utopie
Celle des chevelus qui s’accouplaient dans les prés ?
Les souvenirs sont archivés, les disques des antiquités
La faute aux fichiers piratés ou au disco ou aux yéyés
Quand les meilleurs ont calanché Justin Beiber est arrivé
Lady Gaga l’a rattrapé, sauve qui peut c’est pas terminé
Interdire n’est plus prohibé mais bel et bien banalité
Et sous les pavés goudronnés la plage s’est fossilisée
Pouvons-nous tout recommencer ou faire semblant de s’indigner
Il est plus aisé d’espérer ou simplement tout accepter
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Son job
Elle arrive bien avant les autres
Elle repart tard après tout le monde
Elle s’installe précise à son poste
Et ne se lèvera pas une seconde
Vendredi l’œil sur la pendule
Elle s’arrange pour la ralentir
Le soir viennent la peur et l’angoisse
L’idée de rentrer la fait frémir
Elle ne vit que par et pour lui
Parait qu’elle n’en dort pas la nuit
Qu’elle est devenue carrément love
De son job
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Danse avec les sirènes
Personne ne peut vraiment lui en vouloir
De toute façon personne ne le connaît
Les fermés du haut de son plongeoir
Il voit le temps passé qu’il a gâché
Sa vie défile dans un tourbillon noir
Ne cherche pas une miette à ramasser
Le dernier saut de l’ange comme un espoir
Éternel repos si souvent rêvé
Et tout au fond de la Seine
Il va plonger
Parmi les poissons, les sirènes
Il va danser
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Le petit chaperon rose
Petite fillette gambade en forêt
Un sac à dos rose à l’effigie
D’une chatte prénommée Kitty
Sautille en balancements réguliers
Mais guettant cette danse insouciante
Tapis dans l’ombre des framboisiers
Deux yeux dangereux vont s’allumer
Guidés par des idées malveillantes
C’est une histoire à glacer les enfants
Des fariboles pour les souris des champs
Mais l’épouvante pour les vraies petites filles
C’est de grandir avec les rats des villes
Dans un élan plus ou moins brutal
Le grand méchant loup sort de son trou
Prend gentiment fillette par le cou
Et lui détache d’un doigt le cartable
Puis dans la douleur et le silence
Tous les animaux tournant le dos
Le loup fait son devoir de salaud
Et déchire le récit d’une enfance
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Paris
Sur un trottoir inondé
D’une artificielle rosée
Deux chaises en aluminium
Soutiennent deux bonshommes
Qui d’un geste régulier
Mélangent le sucre au café
En terrasse après midi
Deux billets pour deux demis
Veste en velours pour illustrer
Un discours embourgeoisé
Banalité d’une vie
De parisien, de fourmi
D’un être humain dans Paris
Tout seul à Paris
Il a pourtant tant d’amis
Des rendez-vous toutes les nuits
Avec d’autres anonymes
Qui se côtoient pour la frime
Un beau jour sans dire merci
Abandonnera l’ennui
D’un être humain dans Paris
Tout seul à Paris
Le mains arrondies, serrées
Autour d’une tasse à café
Repense au monde et sans bruit
Se dispute avec lui
Il craint de finir sa vie
Comme les autres autour de lui
Comme un humain dans Paris
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Je suis un pantin
Je suis un pantin
Comme vous et les animaux
J’avance avec le troupeau
Je ne vois jamais de côté
Mais louche sur le bout de mon nez
Frétillant par tous les membres
Je me confonds dans le nombre
De similaires idiots
Qui marchent en courbant le dos
De similaires idiots
Qui marchent en courbant le dos
Je suis un pantin
Dieu que le chemin m’ennuie
Rectiligne et sans folie
Vers le gouffre interminable
Décomposition minable
Alors avant de crever
J’essaierai de cisailler
A mes poignets les ficelles
Qui me suspendaient du ciel
A mes poignets les ficelles
Qui me suspendaient du ciel
Je suis un pantin
Je suis un pantin
Je suis un pantin
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Ma démission
Du soir au matin
Dans sa petite cabine en ferraille, tend la main
Pendant que se faufilent les bagnoles qui braillent
Oh qu’il est long
Le présent qui patiente
Et je prends de l’âge
Assis comme un con dans ma gare de payage
Mais demain je signe ma démission
Du soir au matin
Derrière sa caisse enregistreuse ; tend la main
Fait des grands sourires hypocrites aux acheteuses
Oh qu’il est long
Le présent qui patiente
Demain comme hier
Tournerai rond sur mon tabouret de caissière
Mais demain je signe ma démission
Du soir au matin
Du cambouis jusqu’aux oreilles il tend la main
Pour empoigner soit le marteau, soit la faucille
Oh qu’il est long
Le présent qui patiente
Et moi qui tapine
Qui sans raison déchire ma vie à l’usine
Mais demain je signe ma démission
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Des ruines
Des ruines
Il ne restera que des ruines
Un tas de gravats sous la brume
Un tapis de poussière fine
Des cafards naissant du bitume
Des générations d’efforts
Tout un océan de sueur
Pour une pauvre île engloutie
Par un déluge en douleur
Puisqu’on a toujours eu tord
De croire encore au bonheur
Surgit le vent de la mort
Pour soulager nos erreurs
Milliards de livres inutiles
Pleins de poèmes illusoires
Brûlés tout comme les cent mille
Théorèmes qui nous font croire
Que l’humanité scintille
Comme un soleil dans le noir
Alors qu’elle vacille
Au bord de son désespoir
Il n’y a pas de réponse
Il n’y aura plus de questions
Quand les étoiles se reposent
Enfin nous nous endormons
Tandis que la vie implose
En un souffle assourdissant
Elle effeuillera les roses
Pour les vider de nos sangs
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Vieux con
Longue frange trop bien lissée pour camoufler l’acné
Une dégaine qui ne ressemble à rien
Nul de sait que devient cet humain
Chaque week-end allongé dans sa vodka gerbée
Paraît qu’il y en a qui fument du foin
Nul ne sait ce qu’il verra demain
Mais le pire c’est qu’ils feront des enfants
Pour l’avenir, une armée de petits voyous
Par plaisir m’appelleront sans arrêt « vieux con »
Et pour rire me jetteront des cailloux
Les épaules fatiguées, le visage éclairé
Une souris tatouée dans la main
Nul de sait que devient cet humain
Les amis connectés, les idées bien rangées
Forment aujourd’hui son quotidien
Nul ne sait ce qu’il verra demain
Dans sa piaule enfermé, savoure sa puberté
Ne descend que quand il a faim
Nul de sait que devient cet humain
Échange instantané des infos par milliers
N’a pourtant jamais vu de bouquin
Nul ne sait ce qu’il verra demain
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Jolly Joker
Les canaux le matin
Sous la grisaille et la pluie
Sont bien moins pathétiques
Que les canaux la nuit
Les gentils riverains
Tranquilles et sans folie
Sont bien plus sympathiques
Que les filles et les zombies
Quelques bicyclettes se frayent un chemin
Entre les ruisseaux et les culs de joints
Et mon Jolly Joker calfeutré d’Amsterdam
Ta mezzanine enfumée me réchauffe le cœur
Les ruelles endormies
Sous la brume après midi
Sont bien moins pathétiques
Que les vitrines à minuit
Les clochards assoupis
Sur des bancs mouillés
Sont bien plus sympathiques
Que les touristes enivrés