Evolution
Qui se souvient du jour où nous étions réellement beaux
Habiles et sensibles, rapides et soyeux, plus purs que l’eau
Avec le temps comme tout le monde moi j’ai tout oublié
Nos vies d’avant ne m’ont rien enseigné que des regrets
Certes, il faisait nuit
Certes, on avait froid
Certes, on n’avait ni patrie
Ni morale, ni loi
Mais nous étions égaux
Libres sans le savoir
Épuisés de tous les défauts
De la haine jusqu’au désespoir
Où irons-nous
Demain nous vivrons pour rien
La rumeur voudrait que nous nous battions contre nos peurs
Apprivoisant les flammes nous protégions nos frères et sœurs
Que s’est-il passé pour tout renverser, tout inverser
Qui a pris le feu pour le retourner sur sa moitié
Certes il faisait faim
Nous étions nouveau-nés
Certes on avait plus que rien
Nous vivions sans monnaie
Mais nous étions humains
Certainement honnêtes
Sereins puisque nous n’avions rien
Que du temps libre et des cachettes
Où irons-nous
Demain nous vivrons pour rien
Enfin vint le jour où l’un d’entre nous s’est relevé
Suivi par la meute qui tenta, jalouse, de l’imiter
A cet instant le ciel a basculé, puis déréglé
Le chant du monde qui ne s’est pas arrêté mais s’est enrayé
Certes il faisait jour
Certes on avait chaud
Certes on découvrit l’amour
L’Art et les idéaux
Mais nous gagnions l’ego
Les chaînes et le pouvoir
Collectionnant les défauts
De la haine jusqu’au désespoir
Où irons-nous
Demain nous vivrons pour rien
Comme Vous
Comme une tortue je sautille, je galope et me faufile
Entre les papattes fines des hippopotames
Qui s’envolent en colonies fofolles
Je les rattrape en chameau, pédalant dans l’eau
Que suis-je après tout qu’un bidule
Qui gesticule comme vous ?
Voudriez-vous de moi dans votre bubulle ?
Comme un okapi je roule, je m’enterre et je déboule
En écartelant la foule de diplodocus
Qui s’échappent et qui dérapent et paf
S’éclatent le bec sur un clan de fennecs
Que suis-je après tout qu’un bidule
Qui gesticule comme vous ?
Voudriez-vous de moi dans votre bubulle ?
Comme un koala je danse, je pense, je chante me lance
Entre les cornes de gazelles et des sauterelles
Qui s’enlisent au cœur de la banquise
Pour s’accoupler sans repos collées dos à dos
Que suis-je après tout qu’un bidule
Qui gesticule comme vous ?
Voudriez-vous de moi dans votre bubulle ?
Comme une antilope je fouille, je farfouille et me débrouille
Contre tous mes congénères les rhinocéros
Qui des uns patinent, ou bien tapinent
Qui des autres ont préféré vieillir enfermés
Que suis-je après tout qu’un bidule
Qui gesticule comme vous ?
Voudriez-vous de moi dans votre bubulle ?
Les Pissenlits
Que veut cet humain
Qui gesticule de la bouche
Par laquelle filent des petits bruits
Des voyelles, des consonnes
Tout ça devient si louche
Que je m’ennuie, je m’enfuis
L’air de rien
Que veut cet humain
Qui m’adresse de drôles de gestes
Qui me tend la main droit devant
Chope la mienne, la secoue
M’en méfiant comme la peste
Je m’arrache en galopant
L’air de rien
Non, vous n’êtes pas
Mes semblables, mes amis, mes cousins
Oh non, je n’suis pas
Tout à fait ce qu’on appelle être humain
Que veut cet humain
Qui m’a pris pour un collègue
Moi qui m’estime plus similaire
Aux labradors retrievers
Ni mongol, ni touareg
J’espère que je n’ai pas l’air
D’un être humain
Que veut cet humain
Qui veut m’imposer sa loi
Qu’elle soit pénale ou financière
Ne m’convient pas tellement
Je ne vois pas pourquoi
Je fouillerais dans vos affaires
D’êtres humains
Non, vous n’êtes pas
Mes semblables, mes amis, mes cousins
Oh non, je n’suis pas
Tout à fait ce qu’on appelle être humain
Que veulent ces humains
Qui décident pour leurs moutons
Réunis pour la mère patrie
D’imposer une idée
Avec des munitions
Contre l’infâme ennemi
Mon voisin
Que veulent ces humains
Qui s’alignent en rang d’oignons
Persuadés d’agir pour la vie
En caressant les gâchettes
Excités pour la nation
Ecrasant les pissenlits
Du voisin
Non, vous n’êtes pas
Mes semblables, mes amis, mes cousins
Oh non, je n’suis pas
Exactement ce qu’on nomme être humain
Les Lions
Par bonheur ils ont tout fait
Pour abréger mes souffrances
M’ont soigneusement sélectionné
Pour décéder dès l’enfance
Pour mon premier anniversaire
Je ferai mes tous premiers pas
Sur le noir chemin de l’enfer
Vers l’homme qui me décapitera
Aujourd’hui je maudis le ciel
De n’avoir pas laissé les lions
Dévorer tous les paysans
Et leurs fermes industrielles
Je n’ai jamais revu ma mère
Je n’ai qu’entendu ses prières
J’ai senti rouler sa douleur
Dans chaque battement de mon cœur
Quand ils m’auront empaqueté
Etiqueté, distribué
J’espère qu’ils entendront maman
Meugler quand ils m’avaleront
Aujourd’hui je maudis le ciel
De n’avoir pas laissé les lions
Dévorer tous les paysans
Et leurs fermes industrielles
Cyprin Doré
Demain, quoi qu’il arrive
J’irai sur la même rive
Que moi, dans mon bocal
Je suis sentimental
Je vais vers mon reflet
J’attends, je suis patient
Demain, je tournerai
En rond toute la journée
La nuit j’irai faire un tour
Tout seul jusqu’au petit jour
Je nage vers mon image
Je vis ma vie d’ennui
Demain, s’il fera beau
J’irai un peu dans l’eau
Ensuite après déjeuner
Peut-être j’irai me baigner
Je suis bien trop petit
Pour aller de l’autre côté
Dialogue Avec Mon Chien
Mon chien m’a dit :
« Je n’ai pas d’ami »
Je lui ai répondu :
« Löhstana non-plus »
Il m’a dit :
« Oui, mais toi c’est différent parce que tu ne les cherches pas »
Alors du coup, moi, j’ai dit :
« Je vois que t’es pas si con que tu en as l’air pour une fois »
A mon chien j’ai dit :
« Tu sais, je t’envie »
Il m’a répondu :
« Te fous pas de moi non-plus »
Il m’a dit :
« Faut pas déconner tu sais très bien que tu es plus libre que moi »
Alors du coup, moi, j’ai dit :
« Tu n’as pas raison, laisse béton, de toute façon tu comprendrais pas »
Mon chien m’a dit :
« Quel sens a la vie ? »
Moi, là, du tac au tac :
« Assis, donne la patte ! »
Il m’a dit :
« Ah d’accord, OK, voilà ma patte, je me sens mieux comme ça »
Alors moi j’ai dit :
« Tu vois, tout va bien, la vie est belle pour les bons chiens comme toi »
Ravioli
Puisque nous avons découpé
La faune en catégories
Les immangeables d’un côté
Et le rayon charcuterie
Puisque nous avons divisé
En deux le règne animal
Ici les vaches sacrées
Là-bas le bœuf est halal
C’est donc à moi de choisir
Qui du poussin, du Bambi
C’est à moi de définir
Qui du lapin, de Winnie
Je ferai des raviolis
Puisque nous avons érigé
Une infernale industrie
Inventé de nouveaux métiers
Bourreaux modernes en série
Puisqu’elle est emballée
Sous film alimentaire sexy
En barquettes aseptisées
La viande est un produit
C’est donc à moi de choisir
Qui du poussin, du Bambi
C’est à moi de définir
Qui du lapin, de Winnie
Je ferai des raviolis
On dit qu’elle est indispensable
A la santé de nos marmots
La chair fumante de nos semblables
Doit s’entasser dans nos boyaux
C’est donc à moi de choisir
Qui du poussin, du Bambi
C’est à moi de définir
Qui du lapin, de Winnie
Je ferai des raviolis
Une Vie De Roi
Je sais que toute ma vie je n’oublierai jamais
Ce bel après-midi au soleil de janvier
C’était tellement génial que j’en tremblote encore
Je suis rentré tout sale et maintenant je m’endors
C’est vraiment fatiguant de courir tout le jour
Mais qu’est-ce que c’est marrant de faire le gros balourd
J’ai sauté dans les feuilles et j’ai mangé des pierres
Chassé les écureuils et labouré la terre
Je vis pour lui
Mon seigneur chéri
Mon maître-ami
J’ai flairé des chenilles et broyé des bâtons
Mordillé les chevilles d’un vilain vieux mouton
Je suis le plus heureux, pour ça je remercie
Mon vénérable Dieu, mon maître à moi chéri
Il est si formidable, je l’aime plus que ma vie
Je veux être admirable, parfois je réussis
A gagner une caresse entre mes deux oreilles
Même si je tire en laisse, j’écoute les bons conseils
Je vis pour lui
Mon seigneur chéri
Mon maître-ami
Ma maîtresse est gentille, je sais que dans une heure
Je jouirai des papilles, la truffe dans mon bonheur
Elle sait très bien comment me faire danser du cul
Le soir en me versant de raffinés menus
Croquettes croustillantes au délicat fumet
Subtils parfums de fiente, et viande faisandée
Après ce doux festin, j’irai me promener
Et m’enivrer enfin des urines du quartier
Je vis pour lui
Mon seigneur chéri
Mon maître-ami
Un jour je serai sage au moins toute une journée
Pour un bout de fromage je peux être parfait
Quand j’étais tout petit il fallait que je bouffe
J’faisais des confettis de toutes les pantoufles
Maintenant je suis grand, j’ai trois ans et deux mois
Je protège mes parents, c’est un peu moi le roi
Je suis le plus heureux, pour ça je remercie
Mon vénérable Dieu, mon maître à moi chéri
Je vis pour lui
Mon seigneur chéri
Mon maître-ami
Apprenti Chasseur
Debout sur la banquette arrière
Il est encore plus fier que son père
Responsable des munitions
Surveille la poudre à canon
C’est aujourd’hui qu’il
Apprend la vie
Hier c’était son anniversaire
Le meilleur de tout l’Univers
Le plus beau de tous les cadeaux
Sa première Winchester Shadow
Il avait de quoi
Sauter de joie
A travers les bois
Équipé pour la guerre
Il fera la loi
Tradition millénaire
Il aura la peau
Des animaux
A l’affut derrière les fougères
Encore plus vif qu’une panthère
Il sent déjà bouillir le sang
Du p’tit garçon qui devient grand
Il se voit déjà
Fort comme papa
Il attend là des heures entières
Il sait qu’il faut du caractère
Pour patienter sans gigoter
Apercevoir un sanglier
Mais rien ne vient
Comme chaque matin
A travers les bois
Équipé pour la guerre
Il fera la loi
Tradition millénaire
Il aura la peau
Des animaux
Il a beau tenter des prières
Aucune bestiole ne semble faire
Le premier pas devant la mire
De son fusil triste à mourir
Son bâton qui brille
Est inutile
Quand soudain comme en un éclair
Au beau milieu de la clairière
Un mouvement d éclanche en panique
De sa vie le tout premier clic
Il n’a pas eu la trouille
Il a des couilles
A travers les bois
Équipé pour la guerre
Il fera la loi
Tradition millénaire
Il aura la peau
Des animaux
Gardien De Zoo
Je ne sais toujours pas ce qu’ils pensent
Je ne sais toujours pas ce qu’ils chantent
Je regarde leurs voix qui dessinent une symphonie sauvage
Et s’envolent par-dessus les cages
Chaque matin je salue les mêmes regards
Sans jamais comprendre, sans jamais savoir
Ce que feraient leurs yeux s’ils étaient dirigés sur mon dos
De l’autre côté des barreaux
A force de balancer des sceaux de croquettes
J’ai du sentiment pour ces pauvres bêtes
Je me demande encore qui a cru qu’un sapin c’est suffisant
Pour une famille d’Orang-Outangs
Pourquoi les enfants trouvent-ils ça marrant
De voir un loup dormir sur le ciment ?
Je n’y comprends plus rien, je me demande même comment j’ai pu choisir
Ce triste métier sans rougir
La nuit je rêve que je suis à leur place
Enfermé regardant la foule qui passe
Mais au réveil pourtant je réalise qu’ils sont bien mes semblables
Nos vies sont aussi misérables
Je ne sais toujours pas ce qu’ils pensent
Je ne sais toujours pas ce qu’ils chantent
Je regarde leurs voix qui dessinent une symphonie sauvage
Et s’envolent par-dessus les cages
Animal
Nous allons sortir les bêtes
Discrètement, lentement
A la lueur de la Lune
Nous filerons à travers champs
Nous rejoindrons la cachette
Prudemment, lentement
Abandonnant nos fortunes
Nous irons vivre autrement
Arrachons-nous d’ici
Emportons sur nous la vie
Allons semer nos petits
Sur les décombres des villes
Et dans un an peut-être
Le jour reviendra
Quand les fissures vont naître
En écailles dans nos bras
Des coquilles en oiseaux
Sonnera le renouveau
Et dans un élan bestial
Furtivement, tendrement
Nous reviendrons vers la Terre
Les seins gonflés vers devant
Redécouvrir l’animal
Étouffé, serré dans
Toutes nos poitrines de verre
Qu’il traversera comme le vent
Arrachons-nous d’ici
Emportons sur nous la vie
Allons semer nos petits
Sur les décombres des villes
Et dans un an peut-être
Le jour reviendra
Quand les fissures vont naître
En écailles dans nos bras
Des coquilles en oiseaux
Sonnera le renouveau